Le cycle infernal
Plabennec, une paroisse en déclin
Une famille durement touchée par la l'épidémie
Un paysan breton

Un paysan breton dans son époque

Novembre 1757, Après plusieurs années passées dans cette Nouvelle-France qu'on n'appelle pas encore le Canada, l'escadre du comte DUBOIS DE LA MOTHE rentre à Brest. C'est un équipage à bout de forces, épuisé, ravagé par le typhus et la dysentrie qui touche terre. En cette fin de campagne navale, certains navires comptent à leur bord plus de malades que d'hommes valides. Piètre spectacle sur le port de Brest que le débarquement de ces morts et de ces malades.
Or, très vite, il apparaît que les hôpitaux brestois ne suffisent pas à la tâche, et c'est en toute hâte qu'il faut évacuer une partie des survivants vers les dispensaires des villes voisines; ce qui a pour seul résultat de répendre la maladie dans toute la région. Circontance aggravante, les vêtements des marins décédés sont souvent vendus sur la place publique - sans même avoir été lavés - à une population pauvre, misérable, démunie de tout et bien heureuse pourtant de trouver des vêtements à bon marché.

Le cycle infernal des famines et des épidémies
Car dans le finistère des années 1757-1759 traverse une de ces crises cycliques combinant famines et épidémies, comme le dix-huitième siècle en connut tant, et qui, chaque fois, firent des ravages dans la population. Le scénario en est en est immuable: le mauvais temps gêne le développement des cultures et provoque un effondrement de la production. Les prix se mettent à grimper dangereusement, rendant le blé - base de l'alimentation de l'époque - hors de prix pour les plus pauvres. La disette qui en résulte inexorablement ne fait que diminuer leur résistance physique, fournissant un terreau idéal à la prolifération des épidémies (le typhus se transmet par les poux et une personne affaiblie est plus réceptive à genre de parasite qu'une personne en bonne santé).
Plabennec, une paroisse en déclin
Plabennec va être particulièrement touché par l'épidémie, qui s'y fait dautant plus durement ressentir que Guycabennec ("le bourg d'Abennec") comme on l'appelle encore parfois à cette époque) est alors uns grosse paroisse, parmi les plus grandes de l'évêché du léon, puisqu'elle déborde sur les communes actuelles du Drennec, de Kersaint et de Gouesnou. Mais c'est aussi une paroisse dont le déclin démographique s'amorce. Vers 1720, elle comptait 4.200 âmes, mais une première épidémie en 1741 a fait plus de 250 victimes dans la population. Celle qui débute dix-huit ans plus tard sera presque aussi meurtrière: 190 morts dans la seule année 1759, celle-là même ou naît notre ancêtre commun, Jean Siou, le 10 février, à la maitairie du Rest, non loin de la chapelle de Locmaria, en Plabennec.

La première impression que donne au voyageur le Plabennec de l'époque est celle d'un véritable massif forestier. Où que que l'on s'y trouve, dans toutes les directions, le regard ne porte jamais bien loin; il bute automatiquement sur un épais rideau d'arbres. Mais ce ne sont pas tant les bois ni les forêts (plutôt rares car ils servent de combustibles) que les talus bordand les champs et les chemins creux qui expliquent cette sensation. Quant au bourg de Locmaria, deuxième village de la paroisse en importance, après Plabennec même, il ne regroupe que quelques fermes autour de l'église et du cimetière, et sans ces témoins religieux, rien ne le distingue d'un autre village.

Une famille durement touchée par la l'épidémie
Jean Siou, donc, est le quatrième enfant d'Olivier Siou (le dernier de la lignée à signer Olivier Siou), originaire de Lannilis et de Marie Le Roy, du Bourg Blanc. Les deux aînés, une fille, Françoise et un garçon, prénommé Jean, sont morts avant sa naissance, agés de quelques mois. Le Troisième, Jacques, frère jumeau de notre Jean dont la naissance a été enregistrée le 9 février1759, soit un jour plus tôt que Jean (ce qui peut nous laisser supposer qu'ils sont nés autour de minuit) ne vivra que trois semaines. Jean Siou est donc le seul à avoir assuré la descendance d'Olivier, un père qu'il n'aura pas connu, puisque celui meurt à l'âge de 33 ans, le 19 septembre 1759 en pleine épidémie de typhus, sept mois seulement après la naissance de son fils. Huit jours plus tard, c'est autour de son grand oncle et parrain, dont il a hérité le prénom, Jean Siou (frère de son grand-père, François), de disparaître, lui aussi vraisemblablement emporté par la maladie. tous deux seront inhumés au cimetière de Locmaria... Sa mère Marie Le Roy - ou Roué au gré des prètres rédacteurs des actes paroissiaux - se remarie moins de quatre mois plus tard avec Jacques Fagon, Originaire de Plouguin.

De la vie de Jean Siou, on sait peu de choses, mais on peut imaginer qu'il a fréquenté ces petites écoles de village tenues par les recteurs, car les actes où il est cité montrent qu'il savait signer de son nom. il épouse à Ploudaniel le 4 novembre1783 Marie Jaouen, née à Lesgall en Ploudaniel. Un mariage célébré le même jour que sa demi-soeur, Marie Anne Fagon, qui épouse, elle, le frère de Marie Jouen. Jean a 24 ans et Marie 19 ans.

Le couple aura dix enfants, dont seuls six assureront la descendance: Charles, marié avec Marie Anne Abautret, Marie Yvonne, qui épousera Jean Roudaut, Yves, Jean Marie et Laurent, qui épouseront le même jour au Folgoët trois soeurs Lossec et enfin Joseph, marié avec Françoise Le Meur, puis s'étant trouvé veuf remarié avec Catherine Garzuel. Vingt-six années séparent l'aîné Charles, de son plus jeune frère Joseph.
 

Un paysan breton
Jean Siou est décédé à Kerguéréon en Ploudaniel, le 16 mai 1836 à l'âge de 77 ans, une longévité peu courante à cette époque. Il vivait à Kerguéréon en communauté de ménage avec deux de ses fils, Jean Marie et Laurent, fermiers pour un tiers chacun de Marie Etiennette Eulalie Desperles veuve Cazenave, rentière domicilée à Brest. Marie Jaouen lui survivra neuf ans, elle meurt à Kerguéréon le 10 août 1845 à l'âge de 81 ans, une longévité tout aussi remarquable que celle de son mari.

Jean Siou était un simple paysan breton, fils de métayers, devenu fermier, une amélioration de son sort enviable à une époque où bon nombre de nos ancêtres vivaient encore misérablement qu'ils soient journaliers des champs ou ouvriers des villes. Mais il aura eu le privilège de traverser la période de notre histoire, peut-être la plus riche en évennements, voyant se succéder l'Ancien Régime, la Révolution, l'Empire (il est né dix ans avant Napoléon Bonaparte), la Restauration et enfin la Monarchie de juillet...
 

Olivier SIOU
Mars 1996

 

Sources: bulletin Ar C'horn Boud, registres BMS et d'état civil de Plabennec et Ploudaniel.
Archives Départementales du Finistère